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XLIX


Comment retracer les pensées d’une mère pendant une semblable nuit ! comment peindre ses illusions, ses terreurs, cette application absorbante et cette avide curiosité de découvrir dans un symptôme le malheur qu’elle redoute ! On croirait que le désespoir a sa volupté, tant il s’acharne à tout ce qui peut l’accroître. Ermance est là près de cet enfant dont elle a tant pleuré la naissance, de cet enfant dont la vie est devenue la sienne, car elle se sent mourir à la seule idée de sa mort. Le coup qui lui a été porté par l’arrêt du médecin lui donne l’assurance consolante de ne pouvoir en supporter un autre ; elle attend avec résignation que son sort se décide. Sa faute, son amour, ses remords, tout a fui de son âme : la passion maternelle la remplit en entier ; elle n’a plus qu’un sentiment, qu’un vœu, qu’une prière, seule avec Dieu qui l’entend, qui comprend sa peine, qui peut la dissiper ou la rendre mortelle : tout ce qui n’est pas le ciel ou son enfant n’existe plus aux yeux d’Ermance.

La main brûlante de Léon est dans la sienne ; elle compte les battements de son pouls en regardant la pendule, car elle a remarqué à quel nombre ils étaient par minute lorsque le médecin avait reconnu une fièvre ardente. Elle étudie les mouvements de la poitrine oppressée de l’enfant qui dort ; malgré le râle épouvantable qui constate les progrès du mal, de temps à autre les yeux de Léon s’entr’ouvrent, il regarde sa mère, lui sourit, passe sa petite main sur son visage, joue avec les boucles de cheveux qui se sont détachées de la coiffure d’Ermance et flottent sur son cou ; puis il s’assoupit de nouveau, et sa mère se rassure, car il vient de la caresser. Elle ne croit pas la mort assez barbare pour frapper l’enfant qui vient de sourire. Mais l’oppression augmente, la respiration est accompagnée d’un bruit sourd et sinistre : Ermance frémit, prend son fils dans ses bras, lui soulève la tête, écarte