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sonne qu’elle avait intérêt à louer, Adhémar se décida à lever les yeux sur Ermance. La régularité de ses traits, l’éclat de son teint, la couleur de ses cheveux, il rendit justice à tout ce qui expliquait la réputation de beauté de mademoiselle Brenneval, mais il s’avoua qu’une figure beaucoup moins belle, animée d’un regard, d’un sourire gracieux, lui semblerait bien préférable, tant il est vrai que le désir de plaire est le plus grand attrait d’une femme.

Tout le temps que dura la visite, Ermance garda le silence ; son maintien et sa physionomie, moins discrets, ne laissèrent aucun doute à M. de Lorency sur ce qu’elle éprouvait de pénible à se soumettre au mariage ordonné par son père ; de retour chez sa tante, il en fit la remarque, mais madame de Cernan s’efforça de lui prouver qu’il s’était mépris sur l’embarras de mademoiselle Brenneval. Nous sommes toutes comme cela, ajouta-t-elle ; nous avons si peur de montrer notre amour pour le mariage que nous faisons mine de dédaigner le mari ; mais vous n’êtes pas de ceux qu’on traite mal longtemps, et je ne lui donne pas quinze jours de mariage pour être folle de vous.

— Dieu me garde d’un tel succès, dit Adhémar, ce serait bien pis que ma disgrâce ! mais je n’ai pas à le craindre, il est clair que je lui plais fort peu. Tant mieux, elle ne se plaindra pas de ma froideur ; je lui laisserai tout son argent, elle me laissera ma liberté, et nous jouirons d’un bonheur négatif assez rare en ménage.

À ces mots, Adhémar prit congé de sa tante, en la chargeant de tous les soins relatifs à son prochain mariage : de là il se rendit chez son général, où l’attendaient les ordres qu’il devait porter au maréchal commandant l’armée d’Espagne. Quelques heures après il se mit en route.

Pendant cette courte absence, madame de Cernan invita plusieurs fois M. Brenneval et sa fille à dîner, désirant la lier avec les hautes et puissantes dames qui dominaient sa société ; mais la fierté d’Ermance ne s’arrangeait point de leurs airs protecteurs, et répondait mal à leurs questions de princesses.