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domine, elle se prosterne devant le lit, les yeux attachés sur cette main qu’elle n’ose presser. Alors de douces larmes viennent la soulager ; elle prie le ciel pour l’objet de tant de douleur et d’amour, et le ciel, que devait toucher un repentir si noble, lui inspire dès ce moment une confiance telle que l’état d’Adhémar cesse de l’inquiéter ; elle ne doute plus de son prochain rétablissement. Il semble qu’en se sacrifiant ainsi au repos, au sentiment de son mari pour une autre, elle s’est acquis le droit d’exiger de la bonté divine son retour à la vie, et c’est l’âme fortifiée par cette pieuse croyance qu’elle obéit aux signes impérieux que lui fait Étienne pour l’engager à s’éloigner du lit de son maître.

Les jours suivants amenèrent un mieux sensible dans l’état de M. de Lorency ; mais son extrême faiblesse exigeant les même précautions, on redoublait de soins pour éviter tout ce qui pouvait lui causer une rechute. Enfermée tout le jour dans sa chambre, Ermance n’en sortait que la nuit pour retourner passer auprès de son cher malade tout le temps que la prudence d’Étienne voulait bien le lui permettre. C’était déjà la quatrième fois qu’elle savourait le bonheur de le voir, de l’entendre respirer : debout au pied du lit, les regards attachés sur les lèvres d’Adhémar, qui semblent se colorer d’une minute à l’autre, Ermance s’oubliait dans une douce rêverie. Tout à coup Adhémar fait un mouvement, un cri douloureux s’échappe de sa bouche ; Ermance s’enfuit précipitamment, sans s’apercevoir que la chaîne qui tient sa montre s’est accrochée à la frange du rideau, que le cadenas s’est rompu et que le tout est resté suspendu à la frange.

Étienne est accouru à la voix de son maître, mais la douleur causée par le déplacement de sa jambe blessée est dissipée, et le malade s’est rendormi. Ermance se retire en se reprochant son imprudence, et promet de ne rester qu’un instant la nuit prochaine.

Revenu dans la chambre d’Adhémar, Étienne, que la fatigue accable, se couche sur un vieux canapé près du feu, et tombe dans un profond sommeil. Pendant ce temps, son maître se réveille ; mais comme le repos a triomphé de sa souffrance.