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ne pas oser le forcer à recevoir mes soins, à me voir mourir de sa souffrance ou revivre de sa vie ! le savoir livré à une autre quand je suis là ?… quand j’ai tout quitté pour le rejoindre… lorsque sourde au désespoir de mon père, aux pleurs de mon…

Ici le remords l’empêcha d’achever : le sentiment d’une justice sévère fit taire ces murmures de l’âme, qui la soulagent un moment, et Ermance s’interdit jusqu’à la triste consolation de se plaindre.

Absorbée dans les cruelles réflexions qu’une situation si humiliante et si douloureuse devait lui inspirer, elle passa la nuit sans se coucher, attendant qu’Étienne revint lui parler d’Adhémar, et prêtant l’oreille au moindre bruit qui se faisait dans la maison. L’appartement de son mari donnait sur un long corridor où aboutissaient les portes des autres chambres du même étage ; celle d’Ermance, placée au bout du corridor, était séparée de la chambre du malade par toutes celles qu’occupaient la princesse Ranieska et les personnes de sa suite. La crainte d’être rencontrée et reconnue par l’une d’elles empêchait Ermance de sortir pour aller réclamer la promesse qu’Étienne lui avait faite. Cependant, enhardie par le silence qui règne depuis une heure, elle ouvre sa porte, et traverse à pas lents le long corridor, respirant à peine, de peur d’être entendue ; le froid de la pierre commence à glacer ses pieds ; appuyée près d’une fenêtre dont plusieurs carreaux sont cassés, des flocons de neige tombent sur ses cheveux sans qu’elle s’en aperçoive, sans que l’air glacé qui ternissait les vitres l’avertît qu’elle ne pouvait rester là sans danger ; enfin, la porte sur laquelle ses regards étaient fixés s’ouvre, elle voit flotter au vent les palmes d’un châle, et, se cachant aussitôt derrière une grande armoire qui se trouvait là, elle attend que la femme qui sort par cette porte soit rentrée chez elle pour se montrer à Étienne, dont la lumière éclaire seule le corridor. Il a peine à retenir un cri de surprise en apercevant sa jeune maîtresse ainsi exposée au froid, et devine que l’excès de l’inquiétude lui a fait commettre cette imprudence ; il dit à voix basse que son maître ayant été dans une grande agi-