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reux. Promettez-moi, Étienne, de ne pas lui dire que vous m’avez vue ; surtout que la princesse ignore mon arrivée : recommandez à Francisque et à ma femme de chambre de ne me faire connaître ici que sous le nom de madame de Montvilliers. Oui, j’en aurai la force ; je me résigne au plus cruel sacrifice que je puisse lui faire… mais ayez pitié de moi, bon Étienne, ajouta Ermance en pleurant, venez me donner toutes les heures de ses nouvelles. J’ai déjà tant souffert de mon inquiétude !… ne m’y laissez pas succomber… Si par bonheur quelques moments de sommeil venaient calmer sa fièvre pendant la nuit… si vous étiez seul à le veiller… rappelez-vous que je suis-là… et que je donnerais ma vie pour le voir un instant !

— Ah ! madame ! s’écria Étienne en portant la main à ses yeux, vous pouvez compter sur mon zèle à vous servir ; qui sait mieux que moi combien vous êtes bonne, combien vous méritez d’être aimée ! Sans cette misérable guerre qui sépare de sa famille, qui fait qu’on se lie sans amitié parfois à des personnes dont on ne sait plus comment se débarrasser, jamais un semblable chagrin n’aurait affligé une si digne…

— Je ne me plains point, Étienne ; que votre maître soit bien soigné, qu’il recouvre la santé, et je me trouverai heureuse. Allez, ne soyez pas plus longtemps loin de lui : il pourrait avoir besoin de vous et soupçonner la cause de votre absence ; gardez-en le secret… Pauvre garçon ! ajouta Ermance en remarquant le changement d’Étienne, vous avez été bien malade aussi, et les veilles vous fatiguent ; croyez que tant de courage et tant d’attachement seront récompensés.

En finissant ces mots, madame de Lorency prit dans son nécessaire ouvert sur la table un rouleau de napoléons, et le donna à Étienne pour remplacer une partie de ce qu’il avait perdu en Russie.



XLVI


— Si près de lui ! s’écria Ermance lorsqu’elle fut seule, et plus séparés que jamais ! Ne pas oser revendiquer mes droits !