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son cœur, tout occupé du danger d’Adhémar, se reprocha d’être si peu sensible au désespoir de son père.

La vue de Léon, de cet enfant qu’elle venait de déshériter, ne lui inspira pas même une réflexion à ce sujet ; elle se sépara de lui sans en paraître émue, le recommanda d’un air distrait à M. de Montvilliers, à Natalie, et quitta ses amis sans verser une larme. En ce moment, l’amour, dans tout ce qu’il a de dévorant, de sombre, d’accablant, soumettait toutes les facultés d’Ermance. Une seule pensée régnait dans son esprit : « Le reverrai-je ? existe-t-il encore ? » Et le monde pouvait s’écrouler sous ses yeux sans la distraire de son inquiétude. Oh ! puissance divine ! quelle est belle cette tyrannie du cœur qui fait taire l’intérêt, la raison, l’esprit, tout, jusqu’à l’amour maternel ! et que ce délire, appliqué au devoir, paraît noble et touchant ! Ermance venait de compromettre par un acte imprudent son existence et celle de sa famille ; elle abandonnait son enfant à d’autres soins que les siens, elle voyait sans pitié les regrets de son amie. Malgré tous ces torts, qui eût osé la blâmer ?… Personne, car ceux-là même qui ne comprennent pas l’amour le respectent et l’admirent.



XLV


Accompagnée seulement d’une femme de chambre et du fidèle Francisque, qui n’avait pas voulu céder à aucun de ses camarades l’honneur de soigner ou de défendre sa bonne maîtresse pendant la route, Ermance arriva à Mayence accablée d’inquiétude et de fatigue. On était au mois de janvier : les chemins, couverts de neige et de glace, étaient funestes aux pauvres postillons, dont les chevaux s’abattaient à chaque descente de montagne ; on n’osait les presser tant il y avait de danger pour eux à marcher plus vite, et madame de Lorency, obligée de dévorer son impatience, en avait doublement souffert. Enfin, sa voiture entre dans la cour de l’auberge où doit être Adhémar. Francisque, qui a pris un che-