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XLIV


Le reste de cette année se passa dans les fêtes. Des spectacles brillants, où le public était admis, des comédies intimes jouées devant un petit nombre de personnes privilégiées, maintenaient la cour et le peuple dans une agitation joyeuse qui l’empêchait de réfléchir sur les événements qui se préparaient ; mais les gens sensés, affligés de la tournure que prenait la guerre d’Espagne, ne voyaient pas sans crainte les dissensions qui allaient nécessiter une nouvelle campagne vers le Nord. Dans la situation la plus glorieuse, on se sentait sous le poids d’un sinistre pressentiment. Quelque chose semblait avertir la France d’un prochain malheur, et lui prédire qu’étant parvenue à un si haut degré de puissance, elle ne pouvait plus chercher à l’augmenter sans risquer de la perdre ; enfin, tant de succès, de bonheur, devait avoir lassé la destinée. Ce découragement raisonné se faisait sentir même parmi les militaires. Comblés des faveurs de la gloire et des bienfaits de l’empereur, arrivés à l’âge où l’on aime à raconter ses batailles, ils murmuraient tout haut contre l’obligation de quitter une douce existence pour aller courir de nouveaux périls sous un climat glacé. On dit que Napoléon s’est souvent reproché depuis la quantité de dotations, d’honneurs, de récompenses de tous genres dont il avait comblé ses compagnons d’armes ; en effet, n’est-ce pas une grande erreur de la part d’un si vaste génie que de compter plus sur la reconnaissance que sur l’ambition des hommes ?

Madame de Lorency passa toute cette année dans la même anxiété qui la dévorait depuis le jour où la conduite d’Adhémar lui avait fait craindre qu’il ne fût instruit de sa faute. Pour lui, sans cesse occupé de son service ou livré à ses plaisirs, il ne voyait Ermance qu’aux heures où elle recevait ses amis, évitant avec soin de se trouver seul avec elle. Le départ du comte Albert ne donnant plus aucun prétexte à ses repro-