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gneux, n’auraient pas quitté les églises il y a deux ans, et aujourd’hui ne manqueraient pas une revue de la garde nationale.

L’impératrice étant déjà fort avancée dans sa grossesse n’était restée que quelques moments au bal de l’archichancelier, mais l’empereur s’y trouvait encore lorsque madame de Lorency, madame de Cernan, et M. Brenneval y arrivèrent. Malgré le soin qu’il avait de changer souvent de domino et de ne se confier qu’à une personne pour son déguisement, sa démarche, la peine que prenait le duc de R… et quelques autres de ses aides de camp de le précéder ou de le suivre à distance, et son parler bref surtout, le faisaient reconnaître. Ce jour là, voulant se donner le plaisir d’observer par lui-même l’effet qu’il produisait quand on le rencontrait sous le masque, il imagina de faire mettre le domino sous lequel il venait d’être reconnu à Isabey, dont l’adresse gracieuse était aussi justement vantée que son beau talent, et qui savait contrefaire la marche et les gestes de l’empereur à s’y tromper. Rentrés tous deux dans la salle de bal, bientôt la foule s’empresse autour du magicien, qu’on croit être encore l’empereur : les flatteries, les plaisanteries sur le pouvoir de sa baguette magique se succèdent avec rapidité.

— C’est bien lui, disent les uns en s’éloignant du groupe où on les étouffait ; il ne peut pas s’empêcher de garder son attitude impérieuse, même sous le masque.

— Ah ! vraiment, disent les autres, il n’a pas besoin de se faire magicien pour nous mener à la baguette.

— Voulez-vous me dire ma bonne aventure ? lui demandait une jeune femme.

— Il lui serait tout aussi facile de la faire, répondait le bel-esprit du groupe.

Et cent bons mots de ce genre qui divertissaient beaucoup le nouveau magicien. Il avait déjà répondu plusieurs fois avec bonheur aux questions embarrassantes dont on l’accablait, car tout le monde voulait avoir un mot du masque régnant, lorsque M. Brenneval, ayant un grand intérêt à savoir si c’était vraiment l’empereur qui était là, vint prendre madame de