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L’attachement de madame de Volberg pour son neveu, le plaisir, mêlé d’un peu de vanité, qu’elle avait à exercer sur lui l’autorité d’une proche parente, se trahissaient par l’habitude de glisser le nom d’Albert dans presque toutes ses phrases. Le sentiment de Natalie se trahissait, au contraire, par le soin qu’elle prenait de ne jamais prononcer ce nom. Cette retenue singulière avait d’abord fait présumer à Ermance que mademoiselle Ogherman, ne partageant pas l’admiration de madame de Volberg pour son neveu, préférait garder le silence quand on parlait de lui. Mais ayant remarqué une émotion contrainte dans toute la personne de Natalie chaque fois que le nom d’Albert était prononcé, Ermance devina ce qui se passait dans l’âme de cette intéressante personne, et l’attrait d’un malheur semblable, cette tristesse résignée d’un amour sans espoir, lui expliquèrent bientôt le charme qui l’attirait vers elle.

« On s’attache aux gens, a dit un philosophe, en raison du mal ou du bien qu’on peut leur faire. » À peine madame de Lorency eut-elle pénétré le chagrin qui minait l’existence de Natalie qu’elle se flatta de pouvoir l’adoucir et même de le changer en bonheur. Cette présomption d’un cœur noble et généreux était bien combattue par la difficulté de faire naître dans l’âme du comte Albert un sentiment contraire à celui qu’elle lui soupçonnait. Elle se disait bien que, s’il avait pu voir jusqu’à présent l’amour qu’il inspirait à Natalie sans en être ému, il n’y répondrait jamais ; mais, en dépit de ces réflexions, une secrète espérance l’encourageait à tenter le bonheur de celle dont un moment l’avait rendue l’amie.

Ce projet, que tout semblait contrarier, devint un secours puissant contre la réflexion désespérée, l’abattement qui paralysait la vie d’Ermance. Occupée à chercher un moyen d’arriver à son but, elle évoquait en souvenir tous ses amis pour choisir celui dont l’adresse discrète pourrait la seconder. L’un avait bien assez d’esprit pour lui indiquer la meilleure route à prendre ; mais son cœur raisonnable ne comprendrait pas qu’on se donnât tant de peine pour arriver à faire aimer par ruse une personne que l’on connaissait à peine. L’autre, dans