néral son mépris pour les gens qui n’étaient rien avant la Révolution, elle se réservait de faire à son neveu seul toutes ses observations sur cette mésalliance.
Rempli de cette idée et de l’espérance que l’esprit ingénieux de madame de Cernan lui fournirait un moyen d’éluder ou d’éloigner le mariage qu’il redoutait, il se rendit chez elle.
En entrant dans la vaste cour de l’hôtel de Cernan, il reconnut les voitures de quelques-unes des amies de sa tante, toutes femmes que leurs maris, fidèles à l’ancien régime, maintenaient dans une opposition maligne contre toutes les actions de l’empereur, y compris ses victoires. C’étaient de continuelles épigrammes sur la parodie qui se jouait chaque dimanche matin aux Tuileries et au cercle du soir. On redisait comment les pétitions s’y présentaient sur la calotte du chapeau, et cent autres servilités d’usage qui composent le code de l’étiquette, et font le désespoir et la honte des courtisans qui les ignorent. Le retour de ces riens importants était particulièrement dû à MM. de S… et de Nar…, qui s’étaient créé, par ce moyen, une sorte de crédit, rival de celui qu’obtenaient les Berthier, Maret et Savary par d’immenses services. Il se passait peu de jours sans que l’empereur ne consultât son maître des cérémonies sur le cérémonial observé par l’ancienne cour, et sans qu’il se fît raconter par M. de N… les aventures galantes, les intrigues d’État, les décisions politiques qui résultaient souvent des petits soupers de Versailles. Mais, sans cesse préoccupé des destins de l’Europe, l’empereur perdait bientôt de vue ces intérêts frivoles ; on le voyait alors commettre des oublis d’étiquette aussitôt imités par ses compagnons de gloire. Ces fautes, parfois burlesques, devenaient un sujet de satire, et souvent de consolation pour cette partie de la noblesse française qu’un sentiment de fidélité et de convenance éloignait du palais impérial.
Au milieu de ce cercle ennemi, qui n’avait point pardonné à un descendant des Lorency de servir sous un Bonaparte, Adhémar se sentit plus de force pour résister au pouvoir ; sa disgrâce lui rendait naturellement la bienveillance de tous ces