Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/217

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Je me crois dispensé de répondre à cette question, que vous seule pouviez faire.

— Ce n’est point un reproche, je vous l’assure, et si je vous interroge là-dessus c’est par l’unique désir d’apprendre tout ce que je vous dois.

— Ah ! vous voulez savoir ce qu’il m’en a coûté pour ravir à un autre le bonheur de vous sauver ? réplique Adhémar en s’efforçant de paraître s’amuser à tourmenter Ermance sur le dévouement du comte Albert.

— Ce n’est pas cela qui m’intéresse, reprit-elle avec impatience, je vous l’ai déjà dit, et je croyais même vous l’avoir assez prouvé pour n’être plus exposée à aucune remarque sérieuse ou plaisante à ce sujet ; mais vous trouverez plus commode de m’accuser que de me répondre, et pourtant le ciel sait de quel prix serait pour moi le récit de cette action dont je ne connais le bienfait qu’aujourd’hui.

— Serait-il vrai ? s’écria M. de Lorency en prenant la main d’Ermance. Puis, la voyant se troubler et rougir : Vous êtes incompréhensible, ajouta-t-il en laissant retomber la main qu’il portait à ses lèvres.

— J’en conviens, dit-elle d’une voix tremblante, votre cœur ne peut plus me comprendre ; vivant ainsi étrangers l’un à l’autre, sans attrait pour vous captiver…, livrée à tous les défauts d’un caractère sombre, d’une humeur bizarre…, vous devez… me… croire…

— Achevez ! dit Adhémar dans un trouble extrême, et en se rapprochant d’Ermance, achevez !

— Non, dit-elle en faisant un effort sur elle-même, non, je ne le puis.

— Eh quoi ! jamais un moment de confiance !

— Jamais ! répéta Ermance en répondant à sa pensée.

Alors Adhémar indigné se lève ; il est prêt à sortir du salon.

— Par grâce ! s’écrie Ermance en volant vers lui, n’empoisonnez pas le plus doux moment de ma vie, de cette vie que je vous dois ! Laissez-moi croire que l’humanité seule ne vous a pas ordonné un pareil dévouement. Mais non, j’en mourrais de joie, et je n’ai pas mérité…