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on vous condamnait. J’avais peur de vous voir reculer devant une de ces figures d’héritières qui mettent le courage de nos plus braves officiers à une si grande épreuve ; et, avant de parler à l’empereur, je suis allé hier soir à l’Opéra, dans la loge de la duchesse d’Alvano, où je savais trouver Brenneval et sa fille…

— Avec la duchesse d’Alvano ? et depuis quand se connaissent-elles ! interrompit Adhémar d’un air fort troublé.

— Mais je ne sais ! toutes deux, quoique d’un âge différent, ont été élevées chez madame Campan ; et madame d’Alvano ayant traité l’affaire avec la maîtresse de pension, celle-ci les aura mises en rapport, j’imagine.

— Eh ! ma tante a-t-elle été au moins consultée dans cette singulière négociation ?

— La comtesse de Cernan ? Elle a été la première à remercier l’empereur d’avoir pensé à vous pour une alliance si profitable. Vous ignorez donc qu’elle fait depuis six mois une cour assidue, dans l’espoir d’être nommée dame du palais ? faveur qu’elle aurait peut-être obtenue depuis longtemps, si elle avait paru la dédaigner. Mais lors des nominations on n’a point pensé à elle, et je crois qu’on réparera cet oubli le jour de votre mariage ; ce que je puis vous affirmer, c’est qu’elle est ravie de vous voir retrouver la fortune que vous auriez dû posséder, et qu’elle vous estime fort heureux de la tenir de la main d’une jolie femme ; car vous serez frappé comme nous de la beauté de votre future.

— Je crains de l’admirer froidement, reprit Adhémar ; et pourtant je suis charmé qu’elle soit jolie ; elle en sera plus calme, la conscience de sa beauté la rendra indulgente pour ma maussaderie ; et puis elle aimera la parure, et elle pourra faire crever d’envie les plus belles femmes de la cour : cela me suffit.

La rage concentrée qui dictait ces mots trahissait assez le sentiment qui remplissait l’âme d’Adhémar ; mais le général n’avait pas envie de pénétrer la cause d’un dépit auquel il sentait bien devoir toute la soumission de son jeune ami : la résistance d’Adhémar l’aurait perdu dans l’esprit de l’empe-