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se plaindrait l’homme séduisant qui vient voir sa femme ? Ne le reçoit-il pas à merveille ? Ah ! vraiment ce moyen-là est bien supérieur aux airs de mauvaise humeur des jaloux vulgaires. J’en ferai compliment à Adhémar comme d’une découverte importante.

— Si vous avez quelque amitié pour moi, vous ne lui ferez aucune plaisanterie à ce sujet.

— Ah ! ah ! vous avez peur ! dit en riant M. de Maizières.

— Eh bien, oui, j’ai peur de tout ce qui peut le contrarier.

— Et c’est avec cette douceur-là que vous le perdez, et qu’il croit pouvoir se faire adorer impunément. Pourquoi ne lui avez-vous pas fait une bonne scène hier à propos de sa princesse polonaise ? Tout le monde vous aurait approuvée. Pourquoi ne pas le faire enrager aujourd’hui par quelques frais de coquetterie pour ce beau diplomate ? Il en vaut bien la peine ; mais vous n’avez pas l’ombre de courage. Chacun s’accorde à vous trouver la plus jolie femme de Paris : à quoi cela vous sert-il ? pas même à inquiéter un mari infidèle ! cela fait pitié !

— Ce n’est donc plus la duchesse d’Alvano qu’il préfère ? dit Ermance d’une voix émue.

— Non, tout est fini entre eux, et c’est maintenant sur la princesse Ranieska qu’elle fait tomber sa colère ; c’est votre faute aussi. Ah ! si vous vouliez suivre mes conseils !…

— Hélas ! oui, c’est ma faute ! pensa Ermance. Et le souvenir de la beauté, des grâces de la princesse Ranieska vint ajouter un nouveau tourment à tous ceux qui l’accablaient. L’amour d’Adhémar pour Euphrasie avait devancé son mariage ; elle s’était flattée justement de l’avoir fait oublier, mais celui qui occupait le cœur d’Adhémar aujourd’hui lui enlevait tout espoir. Sans ses scrupules, sa trompeuse froideur, cet amour ne serait pas né sans doute ; il était son ouvrage, et l’on souffre tant du malheur qu’on pouvait éviter !