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sa politique lui fait chercher les moyens de rapprocher les partis que toute sa puissance n’est point encore parvenue à concilier, et il pense avec raison qu’unir les grands noms aux grandes fortunes, ceux qui ont tout perdu à ceux qui ont tout gagné à la Révolution, c’est éteindre les haines et former une nouvelle caste plus en rapport avec la nouvelle cour.

— Cela peut être fort bien imaginé, et la vieille noblesse de France est assez pauvre pour seconder ce projet ; mais si l’empereur se plaît à marier ainsi ceux à qui de semblables unions conviennent, je pense qu’il trouve fort simple que d’autres ne s’y soumettent point.

— Oh ! mon Dieu ! reprit le général, il ne les contraint pas à lui obéir sur ce point, et il ne leur adresse pas même le moindre reproche sur leur résistance, car il leur tourne le dos dès qu’il les aperçoit.

— Pendant quelques jours peut-être, reprit Adhémar, les refus donnent toujours un peu d’humeur ; mais il a l’esprit trop juste… et puis tant de graves intérêts l’occupent…

— Ah ! mon ami, vous connaissez bien mal ce qu’on appelle un grand homme, si vous ne savez pas ce qu’il est pour les petites choses. L’empereur pardonne tous les jours des torts, des perfidies, des ingratitudes qui nous révolteraient, et la moindre résistance à ce qu’il croit une volonté louable l’offense plus qu’un crime. Nous avons plusieurs exemples de sa rancune en ce genre, et je vous engage à ne la point braver.

— Ce serait une injustice criante ! dit Adhémar.

— Oui, s’il vous destituait, s’il sévissait contre vous ; mais il se contente de ne rien faire pour ceux qui ne font pas ce qu’il désire, et cela seul est la mort d’une destinée qui pouvait devenir une des plus brillantes.

Le général ajouta beaucoup d’autres raisons sans pouvoir déterminer M. de Lorency à se conformer au désir de l’empereur ; mais lorsqu’il vint à raconter comment le consentement de M. Brenneval avait été obtenu par l’intervention de madame Campan, et qu’il vanta particulièrement le zèle qu’avait mis la duchesse d’Alvano à conduire cette affaire. Adhémar