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dont je ne me suis pas probablement assez rendu digne, vous m’avez trop prouvé mon peu d’empire sur votre cœur pour que j’aie à vous accuser de fausseté ; mais si j’ai pu consentir à vous laisser libre dans votre indifférence, je ne saurais être aussi complaisant pour les sentiments que vous montrez, et je dois vous prévenir du parti que votre conduite m’oblige à prendre.

Adhémar s’arrêta ici dans l’espoir qu’Ermance chercherait à se disculper ; mais, prenant son silence pour un aveu :

— La fortune dont vous jouissez, ajouta-t-il, m’oblige à plus de sévérité qu’un autre : on croit que je la partage, et la moindre tolérance de ma part serait aux yeux du monde plus qu’une faiblesse, ce serait une lâcheté dont je ne saurais supporter le soupçon. Ainsi, ne me taxez point de jalousie ridicule, de tyrannie conjugale ; rien de tout cela n’entre dans la détermination que j’ai prise d’obtenir de vous… ou de lui… le sacrifice des soins compromettants du comte Albert.

— Du comte Albert ! s’écria Ermance en passant subitement de l’anéantissement à la vie ; ah ! mon Dieu ! je vous promets de ne plus le voir, de ne jamais lui parler, et cela sans regret ! Je le connais à peine, et je ne comprends point comment il se peut qu’on parle dans le monde de ses soins pour moi ; c’est quelques méchants qui se seront plu à m e prêter ce tort pour que vous m’en punissiez ; mais vous ne tarderez pas à juger vous-même de la vérité : d’ici là je vous conjure de m’indiquer la conduite que je dois tenir pour me mettre à l’abri des propos qui vous importunent ; vous verrez s’il m’en coûte de vous obéir.

Pendant qu’Ermance parlait, Adhémar cherchait à deviner à ses inflexions, aux différentes impressions qui se peignaient sur son visage, ce qu’il devait croire des assurances qu’elle lui donnait avec ce ton de franchise si difficile à imiter. Tant de fausseté lui semblait impossible dans un caractère tel que celui d’Ermance ; cependant l’amour-propre offensé lui défendait la confiance. Ermance se résignait à tous les sacrifices pour le rassurer ; mais, dans son empressement à lui prouver que le comte Albert lui était indifférent, avait-elle parlé de