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Elle avait déjà repris la suite de ses pensées douloureuses lorsque le bruit d’une porte qu’on ouvre la fait tressaillir. Elle prête l’oreille et n’ose respirer, car cette porte est celle de la petite bibliothèque qui donne dans la chambre d’Adhémar. L’autre va-t-elle s’ouvrir, ou, bien fatigué de ne pouvoir dormir, Adhémar vient-il chercher un livre pour se désennuyer ? n’a-t-il pas plutôt deviné le chagrin que son accueil sec et froid a causé à Ermance ? n’a-t-il pas lu dans ses yeux la joie de le revoir et le désespoir de n’en pas être aimée ? vient-il la consoler d’une injustice ou l’accabler d’un reproche mérité ? est-ce le ciel ou l’enfer qui s’ouvre pour elle ? Ah ! grand Dieu ! quelle attente ! et ce cœur à la fois si faible et si courageux pourra-t-il résister à la violence de ses battements !

Mais les pas qu’elle croit entendre s’arrêtent tout à coup, et nul bruit ne frappe plus son oreille. Cependant Adhémar n’a point refermé sa porte, il est encore là ; sans doute il lit et ne soupçonne pas qu’Ermance veille si près de lui.

— Ah ! s’il savait ce qu’il me fait éprouver, pensa-t-elle, il me pardonnerait ! tant d’amour, de regrets toucheraient son âme ! son orgueil serait fier de mon tourment ; il saurait à quel point il faut l’adorer pour tant souffrir, et j’obtiendrais tout de sa pitié ! Mais, condamnée à mourir de remords et d’amour, là, près de lui, sans qu’il sache jamais à quels maux je succombe, sans connaître mes droits à son amour et à sa haine ! ce supplice, qui surpasse tous les autres, puis-je l’accomplir… n’est-il pas au-dessus de mes forces ?…

Et, cédant au sentiment passionné qui égare sa raison, Ermance est prête à franchir la porte qui la sépare d’Adhémar, à courir se jeter à ses pieds, à implorer sa colère pour apaiser le remords qui la déchire… Mais le souvenir du serment qu’elle a fait à son oncle la retient… c’est au nom du repos, du bonheur d’Adhémar qu’elle l’a fait ; elle ne peut y manquer sans ajouter un crime à celui qu’elle se reproche : terrifiée par cette idée, elle s’arrête et vient retomber sur le siége qu’elle a quitté, tremblant que le bruit de ses sanglots ne parvienne jusqu’à son mari.

La tête appuyée sur ses mains, qu’elle inonde de larmes,