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plus, remplir aux yeux d’un autre, aux siens même, le rôle d’une dupe, et sa fierté pour son mari l’emportait alors sur la crainte de lui voir pénétrer son secret. Hors d’état de dissimuler le tourment où ces contradictions, ces terreurs plongeaient son esprit, elle prétexta la fa’igue de la journée pour se retirer chez elle avant l’arrivée d’Adhémar et de son ami.

Bientôt après elle entendit la voiture qui les amenait. Adhémar fut conduit par le valet de chambre du président dans un appartement qui n’était séparé de celui d’Ermance que par une petite bibliothèque. Elle écouta longtemps le bruit qui venait de ce côté ; elle distingua la voix de Ferdinand qui disait bonsoir à M. de Lorency, et lui souhaitait, en riant, une bonne nuit ; puis des portes se fermèrent l’une après l’autre, et le silence régna dans tout le château.



XXIX


Le soleil se glissait déjà entre les volets de la chambre d’Ermance qu’elle était encore assise à la même place où mademoiselle Augustine l’avait laissée après l’avoir déshabillée, les yeux fixés sur la table qui se trouvait devant elle, n’ayant pas même la force de chercher à se distraire par la lecture des livres nouveaux épars sur cette table ; elle traçait machinalement, sur un album ouvert, des mots sans suite, tombant pour ainsi dire de sa pensée ; car sa peine n’était point de celles qu’on soulage en les confiant au papier. Son malheur écrit lui aurait causé autant d’effroi que de honte.

Au milieu de cette pénible rêverie, les lumières s’éteignirent. Alors Ermance ouvrit sa fenêtre pour laisser pénétrer le jour, et resta quelques moments à contempler l’aspect riant de la campagne à cette heure où tout s’éveille ; mais cette vue si douce aux cœurs heureux redoubla sa tristesse, elle vint se rasseoir, et, trouvant qu’il était trop tard pour se mettre au lit, elle se décida à attendre ainsi le moment où chacun se lèverait.