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— En vérité, j’ai peur que vous ne disiez vrai, répliqua le comte Albert ; car, depuis que je l’ai vue, son image me poursuit.

— Allons, voilà une belle occasion de faire valoir votre mérite : la femme d’un homme très-aimable, et qu’elle aime à la folie, cela vaut la peine d’employer toute votre diplomatie.

— Je me reconnais indigne d’un semblable triomphe, dit le comte Albert, et je vous promets bien de ne lui donner jamais le droit de se moquer de mon admiration pour elle ; mais il est certain que je serais capable de l’aimer comme un fou sans qu’elle en sût jamais rien. Nous autres Allemands, nous avons tous un petit fonds de Werther que votre frivolité française ne comprend pas.

— Vous, Allemand ! reprit le comte de F…, vous ne l’êtes qu’à moitié, et lorsqu’on vous entend parler notre langue, on croirait que vous ne l’êtes point du tout.

— Il est vrai que ma mère étant née à Paris m’a appris à parler comme elle, mais que mon père, véritable Saxon, m’a appris à aimer comme lui.

— C’est trop d’avantages à la fois, reprit M. de F…, et je vais mettre madame de Lorency en garde contre tant de séduction.

Alors M. de F…, s’approcha d’Ermance, et, après lui avoir adressé les flatteries gracieuses qu’il savait si bien dire, il lui fit compliment de la conquête brillante que sa beauté avait faite. Ermance, qu’un propos de ce genre embarrassait toujours, accusa M. de F… de vouloir éprouver son amour-propre.

— Vraiment, dit-il, je n’aurais jamais osé vous dénoncer son adoration, s’il n’était bien décidé à vous la laisser ignorer éternellement ; mais il se vante de pouvoir vivre du bonheur de vous contempler comme il le fait en ce moment. Voyez-le ; et il prétend que cet amour extatique suffit pour amuser un Allemand.

En sacrifiant ainsi le bel étranger, M. de F… obéissait à un sentiment jaloux, ce qu’ignorait Ermance. Une grande dame de la cour avait été la veille fort coquette pour le comte Albert, et M. de F… désirait jeter un peu de ridicule sur lui.