— Ah ! messieurs, épargnez-moi, dit Ermance, que ces éloges ranimaient un peu, car il est si doux de s’entendre louer devant celui qu’on aime !
— Tant pis pour vous, reprit Ferdinand ; mais je ne saurais supporter ce dédain conjugal qui porte à ne pas convenir de la beauté de sa femme ; cela est aussi ridicule que d’en vanter sans cesse les agréments.
— Est-ce qu’il y a d’autre beauté dans le monde que celle qui plaît ? dit Ermance avec tristesse.
Puis, cherchant à ôter toute idée d’application particulière, elle ajouta :
— J’ai entendu ce matin tant de discussions différentes à ce sujet, que je ne comprends pas qu’on se laisse aveugler par quelques éloges flatteurs ; ils sont pour l’ordinaire l’occasion d’une critique si malveillante ! il n’y a pas une des femmes qu’on admire généralement à la cour dont je n’aie entendu discuter les agréments avec une sévérité extrême…
— Oui, par vos voisines, interrompit Auguste ; mais nous étions plus justes de notre côté ; et puisqu’Adhémar croit prudent de ne pas vous répéter ce qu’il a entendu, je vous le raconterai, moi, quand il ne sera plus là.
— C’est me prescrire ce que je dois faire, répondit Adhémar…
Et, voyant que madame de Lorency se levait de table, il offrit la main à madame de Cernan pour passer dans le salon ; puis il ajouta en riant :
— Vous voyez qu’on me chasse, et je trouve qu’on a raison ; je suis mort de fatigue de cette éternelle cérémonie, et je dois être fort maussade. En finissant ces mots il se retira.
— Je ne sais ce qu’il a ce soir, dit Auguste, mais il ne sourit pas franchement : au reste, il avait déjà un peu d’humeur ce matin, car il a répondu à une question fort simple du comte de Sh… avec un ton sec qui ne lui est pas habituel.
— Songez donc, dit Ermance, qu’il est depuis deux jours sous le poids d’un ennui dont il n’avait pas encore fait l’épreuve ; le métier de courtisan doit paraître si insipide à un colonel !