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princesse Borghèse empêcha l’empereur de s’apercevoir de la pâleur subite qui venait de couvrir ses traits au nom de Lorency. Immobile, respirant à peine, elle ne voyait, n’entendait rien de ce qui se passait autour d’elle ; il fallut l’avertir que l’impératrice venait de passer dans la salle du concert, et qu’elle devait la suivre. Alors, paraissant se réveiller en sursaut au milieu d’un songe pénible, elle prit le bras de l’aide des cérémonies qui lui parlait, sans s’apercevoir de la surprise que celui-ci éprouvait en se voyant honorer d’une faveur si inattendue, et elle rejoignit les autres dames du palais.

On prétend qu’à la cour on est insensible à tout, excepté au malheur de subir la disgrâce du maître ; cela peut-être vrai pour les hommes, mais, pour les femmes, elles ne s’affranchissent jamais aussi compleétement des affections de l’âme ; l’amour se mêle à tous leurs intérêts, et la plus vaine est susceptible d’un regret de cœur, même au sein de tous les enivrements de l’amour-propre ; mais ce retour vers une bonne nature, il faut se garder de le laisser paraître, sous peine d’encourir le blâme et l’ironie.

La duchesse d’Alvano s’aperçut qu’on chuchotait en la regardant. Le sourire de pitié de ses belles rivales lui apprit qu’on devinait la cause de sa souffrance ; elle s’efforça de montrer de la gaieté, et comme il est plus facile d’exagérer que de peindre ce que l’on n’éprouve pas, elle finit par se faire remarquer par des éclats de rire inconvenants dans le lieu où elle se trouvait ; sorte d’hypocrisie très-inutile, qui ne trompe que les indifférents, et que les ennemis contemplent comme le spectacle d’une torture qui les amuse.

Chaque fois que l’intervalle d’un morceau de musique à un autre permettait de dire quelques mots à ses voisins, elle entendait parler du mariage de mademoiselle Brenneval avec M. de Lorency. Les plus malins n’étaient pas ceux qui en parlaient tout haut comme d’une nouvelle sans importance pour les personnes qui se trouvaient là ; les vrais méchants étaient ceux qui imposaient silence aux autres, en ayant l’air de demander des égards pour la duchesse d’Alvano, et cette charité perfide la mettait au supplice. Enfin, le désir de se