sous le diadème, et la redingote grise perçait à travers le superbe manteau impérial. Chacun se faisait part de ses réflexions philosophiques à ce sujet en attendant le cortége. Dès qu’il parut, les discours changèrent, et les yeux se portèrent sur tous ceux qui le composaient. Madame de Lorency, placée entre madame Donavel et la princesse Ranieska, entendait souvent malgré elle tout ce que disait cette dernière à la comtesse Ziamanoff qui était assise derrière elles. Fixée à Paris depuis le temps du Directoire, madame Ziamanoff était la personne la mieux instruite des plus petits événements secrets ou connus de la cour et de la ville. Femme d’un brave général polonais fort estimé de l’empereur, elle était bien reçue à la cour, ce qui lui donnait les moyens de satisfaire sa curiosité et de répandre les nouvelles dans toutes les maisons où elle allait le soir. Pour la comtesse Ziamanoff, l’avantage de savoir avant tout le monde l’événement du jour l’emportait sur le mérite même : ignorer à qui l’empereur n’avait point parlé dans un cercle, quelle robe portait l’impératrice, chez qui se donnerait le premier bal de la semaine, c’était pour elle ne pas vivre ou ne pas mériter l’attention. Elle avait accompagné, ce jour là, la princesse Mikaella-Ra-nieska, une de ces ravissantes Polonaises qui ont, pour ainsi dire, les attitudes de toutes les qualités qui séduisent ; belle, indolente, dédaigneuse, celle-là cachait un esprit futile et satirique sous l’apparence d’une langueur pleine de charmes. Arrivée nouvellement de Varsovie avec une de ses tantes, elle était fort reconnaissante de la peine que madame Ziamanoff prenait à l’instruire du nom, du rang et des aventures des personnes qui se faisaient le plus remarquer dans les tribunes de la chapelle, ou parmi celles qui composaient le cortége. Personnellement attachée aux droits de la naissance, la princesse ne pouvait s’empêcher de se récrier en voyant la femme d’un garçon teinturier servir de dame d’honneur à la fille de l’empereur d’Autriche, sans penser que ce teinturier, devenu par sa valeur maréchal de France, était mort sur le champ de bataille, et que les regrets de son pays avaient suffisamment constaté ses titres de noblesse. Elle ne s’accoutu-
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