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par Bonaparte, devenir la femme de ce même Napoléon qui répandit si longtemps la terreur dans sa famille ! et l’impératrice de ces mêmes Français, ennemis de toute puissance !

Que de réflexions faisait naître ce mélange bizarre des célébrités de la Révolution et des noms illustres de notre ancienne monarchie ! Quelle idée ces deux partis ennemis, inclinés sous la bannière du vainqueur, donnaient de son pouvoir ! Ce n’était pas là seulement le triomphe des armes ; on y reconnaissait la haute science d’un grand homme d’État, et cette politique adroite qui savait ramener la vieille noblesse à de nouvelles institutions, en pliant la rudesse militaire à d’anciens usages de cour, et en apaisant les clameurs républicaines par des honneurs et des places.

Madame de Cernan devant être avec les dames du palais qui formaient la suite de l’impératrice, c’est avec la femme du général Donavel qu’Ermance se rendit à la chapelle impériale. M. de Lorency était depuis la veille à Saint-Cloud, où l’acte du mariage civil s’était passé ; il ne devait revenir qu’avec le cortége.

Lorsque madame de Lorency et la comtesse Donavel arrivèrent dans la grande galerie, un aide des cérémonies vint leur offrir la main pour les conduire jusqu’à la chapelle. Il fallait être bien jolie et parée avec goût pour traverser sans crainte cette double haie de censeurs qui, presque tous, se vengeaient des ennuis d’une longue attente sur les personnes à qui des billets de faveur ou des places réservées avaient donné le privilége d’arriver plus tard. Pendant ce long trajet, on recueillait une suite de jugements flatteurs ou sévères prononcés assez haut pour laisser sans illusion sur le plus ou moins d’avantages qu’on possédait. La modestie d’Ermance eut plus à souffrir que son amour-propre de cette épreuve critique : sa parure de lis blancs à feuillage d’or, son manteau, dont chaque bouquet détaché était retenu par une agrafe en diamant, obtenaient généralement l’approbation des femmes, tandis que l’élégance de sa taille, la noblesse de sa démarche et la beauté de son visage, que l’embarras d’être ainsi louée