Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/15

Cette page n’a pas encore été corrigée

cette justice arbitraire le fit consentir à tout ce que l’empereur désirait ; même, avant de savoir à qui Sa Majesté la destinait, il lui laissa disposer de la main de sa fille unique, l’avenir de sa vieillesse, la seule affection qui lui restât au monde.

Le général Donavel ayant recommandé à sa femme la plus grande discrétion dans cette affaire, elle s’était contentée de parler de l’état, des avantages de M. de Lorency, de la protection que lui accordait l’empereur, sans livrer son nom à l’humiliation d’un refus ; et la duchesse d’Alvano, questionnée sur ce nom par madame Campan, avait répondu, avec des airs mystérieux, qu’elle se croyait obligée à en garder le secret. Le fait est qu’elle était loin de soupçonner la vérité ; mais elle agissait pour un jeune homme auquel l’empereur s’intéressait, elle n’avait pas besoin d’en savoir davantage.

Dès que M. Brenneval l’eut autorisée à parler de son consentement, le général Donavel s’empressa de rendre compte à l’empereur du succès de sa démarche, sans taire les soins que la duchesse d’Alvano avait mis à faire réussir ce mariage.

— Vraiment ! avait dit alors l’empereur en souriant avec malice ; c’est fort bien à elle !

Tout autre que le général Donavel aurait soupçonné quelque mystère au ton qui accompagna cette approbation ; mais uniquement occupé de ce qui regardait l’armée, le général s’inquiétait peu des intrigues amoureuses dont on s’amusait à la cour, et il répéta naïvement à la duchesse d’Alvano l’éloge que l’empereur avait fait de son zèle. Dans la joie de ce succès, la duchesse se promit bien de chercher l’occasion d’en recevoir publiquement des remercîments au prochain cercle. En effet, le soir même, elle eut le plaisir de voir l’empereur s’approcher d’elle pour la complimenter sur sa généreuse diplomatie, et lui promettre d’en garder le souvenir : c’était s’engager à une récompense flatteuse, et la duchesse s’abandonnait déjà à tous les rêves d’un amour-propre exalté quand l’empereur ajouta :

— Vous n’aurez point à vous repentir de cette bonne action, tout le monde vous approuvera d’avoir arrangé un mariage qui doit assurer la fortune du capitaine Lorency.

Heureusement pour la duchesse d’Alvano, l’arrivée de la