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II


Deux jours après la visite de la duchesse d’Alvano, celle de M. Brenneval, qui resta plus d’une heure avec madame Campan sans faire demander Ermance, confirma les soupçons de Caroline.

— Tu peux nous faire tes adieux, dit-elle, je parie que nous ne te verrons plus revenir ici que pour montrer tes parures de noces.

— Ah ! mon Dieu ! s’écria Ermance dans un trouble extrême, tu me fais peur !

— Pourquoi trembler ainsi ? reprit Caroline en s’approchant d’Ermance, pour n’être entendue que d’elle ; va, crois-moi, quelle qu’en soit la cause, c’est toujours un grand bonheur que de sortir de pension, et je t’engage à ne pas résister aux désirs de ton père, s’il te propose un mari qui ne soit pas trop désagréable.

— Mais Adrien ! dit tout bas Ermance.

— Adrien n’est que simple capitaine, et l’on prétend qu’il dépense dix fois plus que son revenu ne le lui permet ; il a déjà dissipé toute la succession de son vieil oncle, il en ferait peut-être de même de ta fortune ; et je t’en préviens, ma chère, à cette cour-ci, lorsqu’on n’a pas un grand nom, qu’on ne tient point par ses parents à l’armée ou au faubourg Saint-Germain, il faut être riche, sinon chacun vous dédaigne.

En ce moment on vint avertir mademoiselle Brenneval que son père l’attendait dans le cabinet de madame Campan, et, quelques minutes après, les pensionnaires entendirent partir la voiture qui emmenait leur compagne, cette jolie Ermance que tant de qualités aimables leur faisaient regretter.

M. Brenneval, comme presque tous les gens que la Révolution a enrichis, avait été forcé de traiter de plusieurs affaires avec le gouvernement ; on lui redevait encore une somme considérable. L’exemple de plusieurs fournisseurs soldés par un ordre d’arrestation l’effrayait ; et l’espoir d’échapper à