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— Raison de plus pour vouloir les mettre en bonne compagnie, reprit Ferdinand.

— Au reste, il ne s’agit pas de décider s’il a tort ou non, répliqua madame de Cernan ; ce qu’il y a de positif, c’est qu’il est en ce moment d’une humour exécrable et qu’il ne faut pas la braver : on croit que son désappointement en arrivant à Fontainebleau en est cause ; il s’était annoncé pour le 27, mais il a une manière de voyager tellement rapide qu’il était le 26, à dix heures du matin, à la grille du château, où se trouvaient seulement pour le recevoir Duroc et le concierge. Vous jugez de son humeur, lui qui s’attendait à une réception digne d’un conquérant qui ramène la paix ; il se retourne pour voir sur qui il peut faire tomber sa colère et il n’aperçoit que son pauvre courrier qui venait de faire cent lieues de suite et s’apprêtait à descendre de cheval. « Tu te reposeras demain, lui a-t-il dit ; cours à Saint-Cloud, tu annonceras mon arrivée, » et le malheureux courrier s’est remis à galopper de plus belle. Malgré toute la diligence possible, l’impératrice n’a pu arriver qu’à la nuit. L’empereur, qui avait été au-devant de plusieurs voitures, croyant que c’était celle de Joséphine, n’a pas voulu se déranger lorsqu’on est venu l’avertir qu’elle arrivait, et il lui a fait un accueil glacial. La pauvre femme en a pleuré deux jours de suite ; on dit que la brouille ne s’est pas prolongée au delà, mais il en est resté un fond d’aigreur et de mécontentement qui se porte sur tout le monde. Les mieux instruits d’ordinaire affirment que des mots de divorce ont déjà été prononcés, et que l’hiver prochain verra accomplir ce grand œuvre. Vous voyez bien, ma chère amie, que ce n’est pas le moment d’indisposer le maître contre soi, surtout pour une démarche si facile à faire.

Ermance, le regard attaché sur son oncle, l’interrogeait sur ce qu’elle devait répondre.

— Si l’on doit mal interpréter ton refus, dit le président, je suis d’avis que tu accompagnes madame de Cernan à Fontainebleau, mais je ne puis te confier qu’à ses soins dans l’état où tu es. Songe que la moindre imprudence…