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— Un mariage ? dit une autre, tant mieux ! rien n’est si amusant.

— Oui, pour vous qui n’êtes qu’une enfant, interrompit une troisième, et qui n’avez pas à craindre qu’on vous donne à quelque vieux général pour panser ses blessures, ou bien qu’on vous oblige à vivre au milieu d’une famille de braves gens plus communs les uns que les autres. Mais moi, à qui ce malheur peut arriver aussi bien qu’à la pauvre Valérie, je ne vois pas sans terreur de pareilles visites.

— N’ayez pas peur, reprit la doyenne d’âge de la classe ; ce malheur ne menace jamais que la plus pauvre ou la plus riche : celles qui se trouvent dans votre position en sont à l’abri. Je n’en dirais pas autant d’Ermance, qui reste là sans s’inquiéter de ce que l’on décide peut-être en ce moment pour elle.

— Quoi ! vous pensez que la duchesse d’Alvano vient tout exprès de Paris pour parler de moi à madame Campan ? Comment cela serait-il ? elle ne me connait pas. Je suis bien sûre de ne l’avoir jamais rencontrée chez mon père, encore moins chez mon grand oncle, qui déteste tout ce qui tient à la cour de l’empereur, et puis quel intérêt la porterait à vouloir me marier ?

En disant ces mots, Ermance paraissait également agitée par la curiosité et par la crainte.

— Quel intérêt ? reprit mademoiselle Caroline Dermeuil, mais le sien. On peut attendre beaucoup de la reconnaissance d’un ami auquel on fait cadeau d’une héritière.

— Ah ! quelle supposition ! dit Ermance d’un air indigné. Une femme bien élevée s’abaisserait à de telles spéculations ? Je ne puis le croire, et j’ai plutôt l’idée que la duchesse d’Alvano aura entendu parler d’Adrien, et qu’elle s’intéresse à…

— À son amour pour toi ? Ah ! vraiment, tu es bien bonne de penser que la coquette Euphrasie se donnerait tant de peine pour servir la passion d’un jeune homme occupé d’une autre que d’elle. Non, ma chère, malheur à toi si elle se mêle jamais de faire le bonheur d’Adrien de Kerville !

Cette menace remplit d’effroi le cœur d’Ermance, car elle regardait Caroline Dermeuil comme un oracle, et partageait