Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/118

Cette page n’a pas encore été corrigée

supplice, je le subirai sans me plaindre. Mais est-il un moyen de me soustraire à l’infamie, d’épargner Adhémar ?…

— Oui, madame, il en est un, le plus pénible, le plus courageux de tous, qui vous condamne à des craintes continuelles, à des soins de tous les moments, aux humiliations, aux tortures d’une contrainte sans relâche, enfin à la sombre douleur d’être seule à porter un secret dont le poids accable, d’un secret d’où dépend l’existence et l’honneur de deux êtres sacrés pour une femme.

— Qu’exigez-vous ? ô ciel !

— J’exige le sacrifice de tous les moments de votre vie, la mort de tous les sentiments d’orgueil qui vous animent. Je le sais, je sais qu’en pareille situation la femme la plus sincèrement repentante croit s’humilier assez par l’aveu de sa faute, et s’immoler généreusement en s’exposant au juste courroux de son mari. Le cœur soulagé par cette avilissante confession, elle attend avec résignation les effets du ressentiment ou de la clémence de l’offensé. Qu’en résulte-t-il ? un mépris, une méfiance mutuelle. Celui qu’on ne s’est donné la peine de tromper qu’autant qu’on trouvait intérêt à le faire ne sait pas longtemps gré d’un aveu qui lui a enlevé pour jamais sa tranquillité. Quoi ! vous l’avez trahi pour votre plaisir, et vous ne sauriez le tromper pour son intérêt ! Le soin de racheter son outrage par tous les sacrifices d’une vie exemplaire vous paraitrait-il au-dessus de vos forces ? Mais qu’est-ce donc que la vertu, si ce n’est le besoin constant d’immoler son bonheur à celui d’un autre, de souffrir pour lui épargner la souffrance ? Voilà le devoir que la religion vous impose ! la morale est plus sévère encore. Qu’importent aux intérêts de la société vos scrupules tardifs, vos remords ? Il s’agit de l’honneur, de l’existence d’un homme justement considéré, du sort d’un enfant appelé à jouir des droits que la loi donne à tous : l’arrêt ne peut être douteux. Croyez-moi, c’est ici le magistrat qui vous parle : entre deux innocents et un coupable, celui-ci doit porter seul la peine : subissez donc la vôtre avec courage.

— Le tromper ! répétait Ermance en levant au ciel ses yeux brillants de larmes ; profiter de l’amour qui l’a ramené un