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trahir le sentiment qui la préoccupe, l’engagea se contraindre, et rend aussitôt la conversation générale. Alors le sous-préfet reprend la parole, et ne la quitte pas même pour saluer MM. de Gevrieux qui arrivent ; c’est à madame de Lorency qu’il s’adresse : elle ne l’écoute pas, il est vrai, mais il est trop occupé de lui pour s’en apercevoir ; il médite une petite fête à la sous-préfecture et voudrait bien qu’elle l’honorât de sa présence. Ermance répond oui machinalement à ce qu’il dit. Alors, M. Godeau, dans sa reconnaissance fastueuse, lui nomme tous les gens de distinction qu’il doit réunir pour ce grand jour :

— Le bonheur veut, dit-il, que j’aie pour administrées les châtelaines les plus aimables : madame de L. B…, chez laquelle on joue la comédie à ravir ; madame la comtesse du C…, où l’on rencontre tout ce que la cour a de plus brillant et qui passe pour avoir fait une illustre conquête ; madame de S…, qui fait des romans divins et non pas de ces livres prétentieux et amphigouriques à la manière de madame de Staël ; car il est bon que vous sachiez que je déteste madame de Staël.

— Je m’en doutais, dit tout bas le président.

— La jolie madame Le G…, dont la blonde et belle chevelure rend un peu jalouse la comtesse du C… ; vous aurez encore la bonne, l’excellente madame de Kerville avec sa charmante fille ; elles sont venues passer quelque temps chez madame d’Herbois, leur vieille tante. C’est dommage que le jeune Kerville soit à l’armée, je vous aurais donné là le plus beau danseur de Paris !

Ce nom sortit brusquement Ermance de sa rêverie : sans se rappeler qu’elle venait de promettre à M. Godeau d’aller à son bal, elle lui dit que sa santé ne lui permettant pas de veiller, elle ne pourra s’y rendre, et, profitant d’un moment de silence dû à l’étonnement qu’elle lui cause, elle se lève et va se renfermer chez elle, où l’attend la plus cruelle insomnie.