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que le petit caporal a fait relever le grenadier vétéran : il a voulu, morbleu, qu’il fût enterré dans le manteau impérial : si vous aviez vu la fierté de ces vieux bonnets à poils en portant leur camarade dans ce beau drap mortuaire. Il n’y en avait pas un qui ne se fût fait mitrailler de bon cœur pour en avoir un pareil ! Eh bien, c’est avec de petites farces comme celles-là que ce diable d’homme nous ferait tous escalader la lune si cela lui faisait plaisir.

Ainsi, lorsque Chancloux se sentait au moment de céder à son émotion, il ne manquait pas d’avoir recours à quelques réflexions burlesques.

Des aventures militaires on passa aux propos galants, et plus d’une histoire amoureuse s’entama au bruit des refrains joyeux et des toasts à la victoire. La belle mademoiselle*** venue de Paris, poussée par la plus noble ambition, n’avait point encore obtenu l’audience tant désirée ; elle était du souper, et tout à coup éprise des manières distinguées de M. de Lorency, elle ne lui cacha point qu’elle serait charmée de le voir précéder son chef. La proposition était périlleuse, on pouvait donner de l’humeur à un grand personnage. Mais comment céder à une crainte semblable ; comment avouer qu’amoureux de sa femme, toute autre est sans attraits pour lui ? Adhémar ne s’y résignera jamais ; ce serait affronter le ridicule, et quel brave l’est assez pour le dédaigner !

Deux jours après on ne parlait à Vienne que des amours nés à la fête donnée par Adhémar, et celui de mademoiselle de *** pour l’aimable amphytrion avait déjà fourni à la correspondance de tous les aides de camp, qui tenaient la cour de l’impératrice au courant dos nouvelles galantes de l’armée : quel monde que celui où l’homme dont le cœur est le plus vivement occupé ne peut se dispenser d’être infidèle !



XVII


Pendant ce temps, Ermance, en proie à son chagrin secret, suppliait son père de lui permettre d’aller passer l’automne