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tre cet amour ; on pense au monde, à la nécessité que l’orgueil s’y fait de maintenir un rang souvent au-dessus de ses moyens, et l’on croit agir sagement en sacrifiant son propre cœur et le bonheur de la personne qu’on aime à ces misérables considérations. Il y a toujours un fond de conscience dans les mauvaises actions qu’on fait ; on se croit raisonnable parce qu’on est cruel. Amédée connaît son propre cœur, il sait peut-être qu’il n’est pas susceptible d’un long attachement, et que l’amour une fois éteint, il se repentirait de son dévouement ; il ne veut pas avoir à te le reprocher un jour. Cela n’est pas noble, je le sais, ma pauvre Angéline ; mais que veux-tu, le monde est ainsi fait : hors un bien petit nombre d’exceptions, pour ne pas être déjoué dans ses sentiments, il ne faut aimer que les gens auxquels on peut être utile.

— Ainsi donc, je n’ai plus d’espoir ? dit Angéline en suffoquant de larmes.

Madame Vandermont la pressa dans ses bras et ranima son courage par tout ce que la tendresse d’une mère a de conviction. Après l’avoir écoutée en pleurant, Angéline retourna dans sa chambre le cœur moins triste ; car, sans