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Une parente du général, me voyant ainsi souffrante, me proposa de passer dans le salon ; là, n’étant plus contrainte par tant de témoins, je m’abandonnai à une douleur qui tenait du délire ; j’avais une fièvre ardente ; M. Vitet, célèbre médecin de Lyon, étant du nombre des convives, vint me donner ses soins, et ordonna de me ramener chez moi ; on me mit au lit. Cette fièvre, pendant laquelle j’étais sans cesse poursuivie par la même apparition, devint inflammatoire ; je fus plusieurs jours en danger ; on me saigna deux fois, et quand je n’eus plus la force de penser, je revins à la vie.

Jamais, depuis cette époque, je n’ai entendu parler d’Alphonse. Jamais personne ne m’a donné l’idée que ce pût être lui : je n’ai plus rencontré celui que j’avais appelé de ce nom au bal du ministre de la guerre. Tout a confirmé mon fatal pressentiment.

Si pourtant Alphonse n’était pas mort ; si, retiré paisiblement dans quelque coin de la France, entouré de ses enfants, d’une femme, auxquels il aura peut-être raconté ses folies de jeunesse, il venait à lire cette épisode de ma vie ! qu’en penserait-il ?… Hélas ! que m’importe ?…