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lant ambassadeur me dit que j’étais sous l’empire d’une passion naissante, qui ravagerait mon cœur et ma vie. Cette plaisanterie (car ce ne pouvait être autre chose), me causa une terreur inconcevable. Je respirais à peine ; M. de Cobentzel s’en aperçut. Madame Z… sourit, et tous deux furent convaincus de la vérité de l’oracle.

Pour moi, j’en conservai un trouble extrême qui me fit faire une foule de gaucheries ; la plus marquante fut l’oubli de mon châle, à la place où je m’étais assise : car il me fut apporté par la personne même que je commençais à redouter ; il fallut lui adresser des remercîments que je balbutiai de manière à trahir ma pensée. Sans doute ce trouble visible l’encouragea ; car je sentis sa main presser la mienne à travers les plis du châle qu’elle me donnait. L’impression que j’en éprouvai, soit raison, soit fierté, me glaça et je m’éloignai en saluant, d’un air froidement digne, cet Alphonse qui n’avait d’autre tort que de m’avoir exclusivement occupée pendant toute la fête.