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C’est à l’Opéra que je m’aperçus du vide que me laissait la fuite d’une illusion douce et amusante. Tout m’y parut insipide. Le spectacle, les spectateurs ; cependant ils étaient nombreux, et l’on montrait à chaque instant quelque nouveau venu de l’armée, sans qu’il me vînt à l’idée d’en demander le nom. Combien j’étais mécontente de moi, en me voyant ainsi dévorée d’ennui ! combien je me reprochais d’avoir attaché tant d’intérêt à un fantôme !

Rosalie venait de partir pour le Dauphiné avec ses nouveaux maîtres ; je n’avais plus d’occasion d’entendre parler d’Alphonse, si ce n’est par M. de P… qui répétait sans cesse :

— C’est étonnant ! son obéissance me confond ! elle n’est pas naturelle…

Et j’avais beau me fâcher de son étonnement, M. de P… n’en persistait pas moins à faire à ce sujet les suppositions les plus alarmantes.

— Pauvre jeune homme, disait-il, il est sans doute tué !… Les victoires de ce petit caporal sont si meurtrières.

Et je pâlis. Alors, cherchant à me consoler d’une idée si triste, il ajoutait :

— Si son silence avait pour but de vous le