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VI


— Voilà, pensai-je, une petite mystification qui me sera utile ; je ne m’entêterai plus à reconnaître quelqu’un que je n’ai jamais vu, et qui, probablement, ne pense plus à moi.

Cette dernière idée me serra le cœur ; je sentis qu’en perdant le désir ou l’espoir de rencontrer Alphonse dans le monde, je n’y trouverais plus que de l’ennui. Le mystère qui régnait entre nous avait peu de puissance sur moi, dans la solitude ; alors de véritables sentiments, des intérêts graves captivaient ma pensée ; mais, dès que j’étais entourée d’indifférents, au milieu de ce qu’on appelle les plaisirs de Paris, le souvenir de ma situation romanesque s’emparait de mon esprit, et j’y rapportais les événements les plus insignifiants ; enfin, ce mystère était devenu la vie de mes moments perdus ; car on peut appeler ainsi la plupart de ceux que l’on consacre au monde.