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çaise, aux premières loges de la galerie, qui sont près du balcon, je remarquai un homme dont les yeux, sans cesse tournés vers moi, ne se dérangeaient pas même lorsque Talma entrait en scène ; « C’est lui, » pensai-je, car son visage, sa tournure, aidaient à la supposition ; n’osant à peine jeter sur ce jeune homme quelques regards à la dérobée, et de l’air le plus indifférent, je restai, tant que dura la première pièce, dans une telle préoccupation, qu’il me fut impossible de dire mon avis sur la tragédie ni sur les acteurs, aux personnes qui vinrent me voir pendant l’entr’acte. La curiosité, l’impatience, je ne sais quelle émotion, me rendant incapable de prendre part à la conversation, je me plaignis d’un violent mal de tête ; on me laissa tranquille. Mais tout en cherchant à me soustraire au regard fixe qui m’oppressait, je ne perdais aucun des mouvements de ce singulier observateur. Tout à coup, je le vois saluer quelqu’un dans ma loge, je me retourne, le général S*** lui rendait son salut.

— Ah ! vous le connaissez ? dis-je au général.

— Qui ? reprit-il, en me faisant apercevoir de ma gaucherie.