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nesse, j’en serais devenu fou de tristesse et de joie ; mais la joie l’eût emporté ; j’aurais fait ce raisonnement : la femme capable d’un soin si charitable doit être bonne, simple et spirituelle ; car il faut la réunion de ces qualités pour échapper à l’égoïsme, si commun aux femmes qui ne voient dans un service à rendre que le danger de se compromettre et les désagréments qu’il en peut résulter. Elle est honnête, me serais-je dit ; car en m’imposant un grand sacrifice, elle n’emploie aucun de ces mots pompeux de vertu, de remords, si familiers aux prudes. J’ignore son nom, son âge ; elle ne dit rien qui puisse me faire soupçonner qu’elle soit laide ou jolie, rien qui décèle l’envie de montrer de l’esprit à propos d’un malheur. Donc, elle est jeune, belle, d’un esprit distingué ; je me dois de l’adorer et je l’adorerai de toute mon âme…

Je ris en écoutant ces flatteries et cette singulière supposition, elle me parut folle ; mais, après deux mois de correspondance assez vive, une lettre m’apprit que la prédiction était accomplie.

D’abord effrayée de mon inconséquence, je fis venir Rosalie pour lui recommander