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» Je dois ce sacrifice à l’intérêt que vous nous témoignez, madame ; il suffirait pour m’acquitter ; mais ma reconnaissance est la seule douce pensée qui puisse tempérer les sentiments amers dont mon âme est remplie ; cette vive reconnaissance est toute ma consolation ; ne la dédaignez pas, madame, je suis si malheureux ! »

» Alphonse de ***. »

— Voilà le roman fini, dis-je à M. de P***, en lui montrant cette lettre.

— Ne vous en flattez pas, répondit-il ; mais je suis bien niais de vous l’apprendre ; vous avez déjà fait toutes vos observations sur ce désespoir, cette rage de vengeance qui ne cède qu’à votre voix. Vous savez mieux que moi, j’en suis certain, ce que votre généreuse bonté et le mystère qui cache le bienfait vont produire sur une âme exaltée par le malheur ; vous savez quelle diversion puissante opère la curiosité sur une douleur sans espérance, qui, par cela même qu’elle peut s’augmenter, tourne bientôt à l’ennui. Comment échapper à l’attrait d’une consolation semblable ! j’en juge par moi-même, si pareille aventure m’était arrivée dans ma jeu-