Page:Nichault - Souvenirs d une vieille femme.pdf/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelque temps, ajouta M. de P*** en souriant, soyez tranquille, il n’en mourra point.

— Parce qu’un homme ne meurt jamais d’un semblable regret ; dis-je d’un ton amer.

— Surtout quand le plus doux espoir y succède, et qu’on se charge de…

Je n’en voulus pas entendre davantage, et, pour être à l’abri des plaisanteries de M. de P*** sur ce sujet, je plaçai quelqu’un entre lui et moi.

— Ah ! vous ne voulez pas que je vous en parle, dit-il en s’éloignant de moi ; eh bien, je m’en vengerai en vous obéissant.

Il y a, dans le sentiment triste qu’une femme s’efforce de cacher, je ne sais quel charme qui la rend encore plus séduisante. C’est un mystère dont chacun voudrait être le confident ou le sujet ; il ajoute à l’intérêt qu’on lui porte, un attrait de curiosité, une douce pitié, qui sert merveilleusement la tendresse ou la coquetterie.

Jamais on ne m’adressa plus d’aimables flatteries, jamais on ne m’entoura de soins plus gracieux, et pourtant je restai jusqu’à la fin de la journée sous l’influence douloureuse de la mission que j’avais été forcée de remplir.