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Cette préoccupation, survenue tout à coup à une personne dont la vie douce et les sentiments connus de tous ceux qui l’entouraient n’offraient pas l’idée d’un mystère, ne pouvait manquer d’être bientôt remarquée : ce fut le vieux marquis de P***, ancien ami de mon mari, qui m’en parla le premier ; j’avoue qu’incertaine de savoir si je faisais bien ou mal dans cette circonstance, je saisis cette occasion de m’éclairer en soumettant ma conduite aux avis d’un homme d’un caractère raisonnable, spirituel, et à qui six ans d’émigration avaient donné une teinte de romanesque qui devait lui faire comprendre les intérêts de ce genre.

Si mon mari n’avait pas été absent à cette époque et retenu à Chambéry pour des affaires de famille, je ne doute point que je ne lui eusse raconté tout ce que m’avait dit et demandé Rosalie, et le secret de ces pauvres amants eût été bien aventuré, car M. ***, le plus discret des hommes sur tout ce qui lui était confié d’intérêts graves, ne pouvait s’habituer à ranger de ce nombre ceux où l’amour jouait le premier rôle : ce n’est pas qu’il y fût indifférent, mais il était si persuadé qu’une passion vive et constante ne