Page:Nichault - Souvenirs d une vieille femme.pdf/256

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trations de joie ; les anémones, les bouquets de violettes sont lancés de toutes parts, à travers une grêle de dragées, et parviennent toujours à la femme la plus jolie, au char le plus élégant.

Dans cette fièvre générale, il n’y a pas moyen de cacher sa pensée ; la femme honnête y montre sa préférence, l’autre, sa jalousie, et chacun s’y dévoue, à son insu, à ce qu’il aime.

La tristesse de Frédéric ne tint pas contre ce prestige, et quand il vit, à la file du Corso, la belle duchesse L… détacher son bouquet et le lancer dans la calèche où il se trouvait seul, il ne put s’empêcher de presser ce bouquet sur ses lèvres, après l’avoir adroitement retenu.

Le soir même, au bal de l’ambassadeur de France, la duchesse se plaignit d’une violente migraine, pria Frédéric de faire avancer sa voiture, et tous deux y montèrent. C’est ainsi que se traite une affaire d’amour dans un pays où on s’y connaît, ajouta le conteur ; et j’en demande bien pardon à ces dames ; mais le manque de préface ne nuit pas plus au charme de ces sortes d’histoires qu’à nos récits modernes : c’est une économie de phrases, voilà tout.

Frédéric fut d’abord très-heureux de son suc-