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que la femme de chambre d’Odille le fit entrer avec elle chez sa maîtresse. Les volets sont à peine ouverts, qu’il saute sur le pied du lit, comme s’il était chargé de la réveiller par un souvenir de celui qui l’aime, puis il pleure ; on voit qu’il regrette un ami. Cette preuve de sentiment est récompensée par des caresses. On le flatte, on l’appelle de tous les noms qu’on voudrait donner à un autre ; et Frédéric, assis dans le salon qui précède la chambre d’Odille, entend avec ravissement ces mots tendres qu’il croit ne pouvoir s’adresser qu’à lui.

Depuis ce moment, Fido devint l’interprète des sentiments, des reproches, qu’on n’aurait pas osé se dire ; on l’accablait de soins, il était frileux comme tous les chiens nés dans les climats chauds, et la peur de le voir succomber au froid de nos hivers, avait engagé Frédéric à lui donner pour couverture un grand châle de cachemire que lui avait vendu un juif de Cologne, lequel châle aurait figuré dignement dans une corbeille de mariée. Rien n’est secret dans une petite ville ; le mari d’Odille apprit bientôt que le beau cheval de Frédéric avait payé un caprice de sa femme. Il en résulta quelques reproches,