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je le choquais par une gaieté intempestive.

Enfin nous trouvant un jour à Turin, dans une galerie de tableaux, je le vis tout à coup fondre en larmes à la vue d’une madone d’André del Sarto, dont l’expression est ravissante ; je pensai qu’elle lui rappelait la femme qui causait sa tristesse, et je le lui dis franchement. Cette indiscrétion mit fin au supplice qu’il s’imposait depuis longtemps, et il soulagea son cœur par la confidence de toutes les douleurs qui l’oppressaient.

Frédéric, né de parents fort riches, avait achevé son éducation en Allemagne, principe fort à la mode chez les gens de finance, qui s’imaginent qu’en parlant bien la langue de ce pays, on peut traiter plus facilement avec les juifs millionnaires qui régissent l’Europe. Francfort avait d’abord été choisi pour sa première station ; il devait y apprendre toute la diplomatie du commerce, et la maison Betman, à laquelle il était recommandé, lui offrait mille ressources en ce genre ; mais dans cette maison opulente on donnait des fêtes, où les plus jolies femmes de la ville joutaient de tous leurs moyens pour troubler le repos des pauvres invités. C’était