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d’accuser le prince Olowsky d’un malheur qui n’est pas sa faute ; cet accident m’a laissé, il est vrai, une terreur jusqu’à présent invincible ; les souffrances qui m’en sont restées, la profonde tristesse qu’un tel événement devait jeter sur ma vie m’ont décidée à la passer loin du monde, dans une solitude complète, ajouta-t-elle en appuyant sur ces derniers mots, et je crois plus sage de ne rien changer à ce projet ; cependant si vous pensez que le prince…

— Moi, madame ? interrompis-je, oubliant la sévérité du devoir que je m’étais imposé ; moi ! oser vous détourner d’un projet dont votre repos dépend ? moi, vous conseiller de vous livrer à celui ?… Non, madame, je n’ai pas tant de vertu ; et, s’il faut vous l’avouer, tout mon courage expire à la seule idée de votre condescendance ; accusez-moi d’inconséquence, de trahison même ; car j’avais juré de le servir, de vous rendre à lui, et je me sens frémir de rage à cette seule pensée. Dans ma folie, à moi, dans cette folie mille fois plus coupable que la sienne, je m’étais flatté d’un héroïsme impossible : vous seule pouviez me l’inspirer. Si j’avais lu un regret dans vos yeux ; si touchée de mon amour, il avait