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VII


Moritz ne devait conduire le prince qu’à la nuit close ; j’avais le temps de traverser le lac, avant qu’il s’embarquât ; je choisis le batelier le plus jeune, le plus leste, pour me mener, je ramai avec lui pour arriver plus tôt ; puis, craignant un témoin importun, je payai double le loyer de sa barque jusqu’au lendemain, et je l’envoyai souper et coucher au village voisin.

Me voici donc seul, étendu sur la voile pliée de cette petite nacelle dont le phare ne s’allumera point ; car je veux attendre sans être aperçu.

Certes, le moment était propre aux sages réflexions ; mais la solitude qui calme les agitations de l’amour-propre, ou triomphe des sentiments faibles, exalte les cœurs passionnés ; et cette heure passée dans l’attente d’une scène que mon imagination composait de cent manières, m’avait monté la tête au point que j’étais prêt à