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courbaturé par tant de suppositions, de projets, de pressentiments, s’engourdit ; et je m’endors, la tête durement appuyée sur la table qui soutient le télescope.

Les rayons du soleil, dardant sur les vitraux du belvédère, me réveillent ; je cherche aussitôt la barque ; elle est encore sur la rive ; mais Moritz où est-il ? Serait-ce cet homme qui s’entretient sous les peupliers avec une femme ? Elle a un manteau noir ; son chapeau, son voile sont noirs aussi ; c’est quelqu’un de sa maison : ah ! si c’était elle-même !… Et mon cœur bat avec violence.

Peu d’instants après, la femme prend le chemin de la colline ; elle gravit avec peine le sentier pierreux qui semble blesser ses pieds délicats, tandis que Moritz rentre dans sa barque, et rame de toutes ses forces pour regagner le port, où je cours l’attendre.

— Tu l’as vue ! dis-je avant qu’il pût m’entendre ; tu l’as vue ! Et sautant dans la barque pendant que Moritz se disputait avec des pêcheurs dont les bateaux venaient frapper le sien, et l’empêchaient de prendre sa place accoutumée, je l’accablai de questions.