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souvenirs, la conversation de Moritz était souvent préférée à celle des beaux esprits voyageurs, et j’aimais tant à l’écouter, que nous étions les meilleurs amis du monde. Aussi n’hésita-t-il point lorsque je lui demandai de passer la nuit pour faire ma commission.

— Vous me croirez si vous voulez, monsieur, mais je n’aborde jamais sur la rive, auprès de cette habitation, dit Moritz en me montrant le château Byron, sans avoir le cœur gros.

C’était un original, c’est vrai. Il me tirait des coups de pistolet à côté de l’oreille pour voir si je broncherais ; cela ne m’amusait pas du tout. Il me faisait ramer des nuits entières pendant qu’il parlait aux étoiles ; c’était fatigant. Mais aussi jamais il ne vidait sa bouteille de vin de Bordeaux sans, m’en donner un verre ; puis il trinquait avec moi, et buvait à mes amours. Ah ! si j’avais bu aux siennes, je n’aurais pas été longtemps sans voir danser les montagnes autour du lac. C’était un diable à quatre celui-là ! il m’a donné à porter plus d’une fois des petits billets comme celui-ci vraiment ; et c’est dommage que le pauvre homme ne soit plus là