Page:Nichault - Souvenirs d une vieille femme.pdf/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on la saigna, la raison lui revint, mais rien ne put diminuer l’oppression qui l’empêchait de respirer. Je passai depuis toutes les nuits près d’elle ; au milieu de celle d’hier, elle me fit approcher de son lit pour me dire… (et Rosalie s’interrompait pour essuyer ses larmes) :

» — Je vous crois une bonne fille, Rosalie, vous aurez pitié d’une mère qui meurt en vous confiant la vie de son enfant ; il a dit qu’il le tuerait si jamais on venait à savoir qu’un autre s’y intéresse ; je sens que je vais mourir… je ne pourrai plus veiller sur ce malheureux enfant… Si Alphonse apprend la cause de ma mort, je le connais, dans son désespoir il fera quelques folies qui amèneront des scènes épouvantables, un grand malheur, un crime peut-être ! par grâce, ma chère Rosalie, jurez-moi de chercher un moyen de le préparer à ma mort, de manière à ce qu’il ne vienne pas ici menacer mon mari, et lui reprocher le cruel traitement qui m’a tuée ; tâchez même qu’il ignore que je succombe au chagrin ; dites-lui que j’ai fait une imprudence qui me coûte la vie, surtout ayez soin qu’il ne voie jamais cet enfant en présence de personne.