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raisons de craindre ? Ah ! si le moindre danger vous menace, oubliez le sentiment dont j’ai osé vous parler, ne voyez plus en moi qu’un frère dévoué, disposez de toutes les actions de ma vie. Je suis libre, ou plutôt je l’étais ; car, depuis que j’ai vu vos larmes inonder la lettre d’un assassin, et tomber sur le cercueil d’une seconde mère, je suis enchaîné à votre destinée. Vous secourir, pleurer vos peines, vous en éviter, s’il se peut, de nouvelles : voilà ma mission, et les seuls vœux que je forme.

« C’est Moritz, le batelier, qui vous a conduite dernièrement à Meillerie, que je charge de ce billet. Il passera la nuit dans sa barque, en face de votre jardin. Ah ! ne le laissez pas revenir sans un mot qui m’autorise à vous défendre ! »

Je redescends à la hâte, les gens de la maison m’arrêtent à chaque instant pour me demander quelque ordre relatif au départ ; je ne sais que répondre ; mais Raimond me suit, il veut savoir à quelle heure il faut commander les chevaux de poste pour le lendemain matin.

— Demain ? dis-je, je ne saurais partir.

— Comment ? monsieur ; mais madame la marquise vient de m’ordonner de fermer les