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pour un sentiment dont rien ne peut vous donner l’idée, rassurez-le ; quelques accords de votre harpe ce soir, près de la fenêtre où vous venez chanter habituellement, suffiront pour le rendre à la vie. Il faut être insensé, direz-vous, pour oser m’adresser une semblable prière. Eh bien, oui, madame, c’est un insensé qui vous implore ; mais ce pauvre fou est un homme d’honneur dont vous n’avez rien à craindre, car son respect pour vous l’emporte sur sa folie. »

Cette lettre, portée par mon fidèle Raimond à Genève, à l’heure de l’arrivée du courrier, fut remise aussitôt par le directeur de la poste au domestique de la princesse. J’avais une grande impatience de savoir comment elle serait reçue ; mais les jalousies des fenêtres restèrent baissées tout le jour, et aucun mouvement ne se fit dans la maison pendant le peu d’heures que je pus rester à mon observatoire, car ma mère avait invité ce jour-là quelques personnes à dîner, et il fallait bien que je leur fisse les honneurs de la maison ; heureusement, l’agitation que j’éprouvais me rendit bavard et presque enjoué ; je ne sais quelle secrète espérance m’animait ; la singularité de ce romanesque me semblait de-