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n’ai pas eu le temps de profiter des leçons que ma pauvre maîtresse voulait me faire donner. En disant cela, Rosalie pleurait.

— Que lui est-il donc arrivé à votre maîtresse ? demandai-je ; il me semble que vous étiez chez la jeune femme d’un riche financier ?

— Oui, madame, répliqua Rosalie en essuyant ses larmes ; elle venait d’avoir dix-neuf ans, quand je l’ai vue mourir… hier… cinq jours après être accouchée.

— Ah ! mon Dieu, m’écriai-je, quel affreux malheur ! car j’étais profondément attendrie sur le sort d’une personne qui inspirait des regrets si touchants. Sans doute, ajoutai-je, elle aura commis quelque imprudence.

— Non madame, ce n’est pas elle qui s’est tuée ; mais on peut bien dire qu’elle a été assassinée. Je la gardais jour et nuit, car la femme de chambre qui la servait ordinairement était elle-même fort malade depuis un mois, et madame ne pouvait pas souffrir la présence de la garde que lui avait donnée son accoucheur ; celle-là restait dans le salon à côté de la chambre pour empêcher qu’on entrât chez madame, et c’est moi qui faisais son service.